Mathilde MESTRALLET


"A Marseille, la Cité radieuse prend l'art"
Article de Luc Leroux paru sur M le magazine du Monde, le 31.05.2013

Le blanc du calcaire des calanques tacheté du vert jailli d'un printemps pluvieux. Le bleu de la rade duquel émerge, au loin, le phare du Planier. Tout autour, la ville de béton et de tuiles à perte de vue. Jusqu'à d'autres collines... Le toit-terrasse de l'immeuble de Le Corbusier offre une vue panoramique unique à Marseille. Sur ce promontoire, il faut ajouter les cris des enfants de l'école maternelle dont la terrasse de la Cité radieuse, à 56 mètres du sol, compose une incroyable cour de récréation.

Grand admirateur du travail de Le Corbusier, le designer marseillais Ora-ïto a toujours été amoureux de cet ensemble. L'unité d'habitation édifiée de 1945 à 1952 condense toute la philosophie architecturale du maître. Un bâtiment construit sur pilotis, les troisième et quatrième étages conçus à l'image d'un centre-ville avec des commerces, des bureaux, un hôtel... Et la terrasse, plantée de cheminées de béton telles celles d'un paquebot, destinée à être terrain d'activités de plein air, de sport, et d'exposition du corps au soleil. Un esprit sain dans un corps sain. Le Corbusier a mis dans son œuvre beaucoup de la Grèce antique. C'est donc tout naturellement que, tel un bateau retourné exhibant sa quille de béton au ciel, il avait construit là un gymnase, splendide voûte qui a longtemps accueilli les levers de fonte et les étirements des résidents.

C'est à ce gymnase en ruine, fermé il y a quelques années, qu'Ora-ïto donne une seconde vie. Le 12 juin s'y ouvrira le Marseille Modulor – le Mamo –, un centre d'art dans le ciel marseillais, dont l'inauguration surfe sur la vague de Marseille-Provence 2013, capitale de la culture. Ora-ïto a hésité à modifier la destination de ce lieu, par respect pour Le Corbusier, "mais la société, dit-il, a changé. Il y a au pied de l'immeuble un supermarché et une vaste salle de sport". Installée au sixième étage, l'architecte marseillaise Corinne Vezzoni comprend cette entorse : "Après tout, la ville a rejoint depuis longtemps la Cité radieuse, les commerces ont fermé, le bâtiment n'est plus autonome. C'est bien la démonstration qu'il a toujours une capacité à évoluer, à continuer à vivre."